Depuis toute petite je me tourne vers le Ciel pour chercher des réponses.
Ma communion solennelle a été une déception. Après cela, j'ai tout rejeté : la religion, Dieu, la foi, la prière, le sacré. Tout. Ce sont des mots que j'ai arrêté d'utiliser et qui me semblaient creux et vides de sens. J'ai perdu la Foi.
Des années plus tard, sentant un vide au creux de mon ventre, je me suis à nouveau tournée vers le Ciel pour trouver des réponses.
J'étais à la recherche de l'extase, d'un ailleurs où tout serait plus simple, plus beau. Un ailleurs où la peur, la colère, la tristesse et la souffrance n'existeraient pas et où je serais heureuse pour toujours.
J'étais à la recherche d'un Dieu qui m'aimerait infiniment, qui me guiderait, me légitimerait, me rendrait plus belle, plus joyeuse. Un Dieu qui me rendrait spéciale, extraordinaire.
J'ai cherché. J'ai testé un tas de trucs, de pratiques spirituelles. J'ai lu beaucoup sur le sujet. Tout ce qui pouvait me rapprocher de Dieu était bon à prendre. Je choisissais une voie et si rien ne se passait, si elle ne correspondait pas à mes attentes, je changeais. J'ai erré de pratiques en pratiques. J'ai vagabondé de rituels en rituels. Toujours insatisfaite.
De temps en temps, lors d'une danse, d'une méditation ou d'une transe, il m'arrivait de ressentir un bonheur immense, une sorte de grâce, de confiance qui venait m'envelopper. Je suis restée longtemps dans l'illusion naïve que ces moments étaient des moments d'éveil. Je me suis enfoncée dans la croyance que si j'étais capable de toucher ces instants là, alors j'étais quelqu'un de spécial, que j'étais destinée à faire de grandes choses, que j'allais sauver le monde et que Dieu serait toujours à mes côtés.
A force de bouffer de la spiritualité à tout va, j'ai fait une crise de Foi. Pourtant, il m'en fallait toujours plus, je n'étais jamais rassasiée. Comme une addiction, plus j'entrais dans ces instants de plénitude et de grande paix intérieure, plus la chute et le retour à la « réalité » était difficile et plus j'avais envie de fuir ce monde souffrant dont je ne faisais pas partie.
Coincée dans mes illusions d'ailleurs et de perfection, je me suis coupée du monde. Malheureuse d'essayer en vain de monter, de rejoindre le Ciel et de sentir que mon corps me ramenenait inévitablement au sol. Je me sentais séparée de Dieu. Il me manquait quelque chose. Je souffrais de ce manque, de ce vide que, malgré mes efforts, je n'arrivais pas à effacer.
J'ai fait des efforts, beaucoup d'efforts. Derrière mes pratiques, il y avait des « il faut » et des « je dois ». « Il faut que je sois pure. ». « Je dois pratiquer tous les jours. ». Toujours avec cet espoir que si je faisais tout comme il faut, si j'étais une bonne élève, je serais récompensée, que je recevrais des dons hors du commun. Derrière mes pratiques, il y avait toujours des attentes qui n'étaient jamais comblées. J'attendais désespérement un signe, un message, quelque chose. J'attendais un résultat. Le découragement arrivait rapidement.
Et puis, j'ai réalisé un rêve : celui de partir marcher plusieurs jours sur le Chemin de Compostelle. Il n'y avait pas vraiment d'objectif spirituel ni religieux dans ce voyage. Il s'agissait surtout d'un retour à une simplicité de vie, pouvoir lâcher une charge mentale, être en contact avec la Nature.
C'est pourtant sur le Chemin que j'ai pris conscience que Dieu est partout.
C'était ma force et ma volonté.
C'était les paysages extraordinaires qui se dévoilaient à chacun de mes pas.
C'était chaque lever de soleil.
C'était chaque frisson du vent.
C'était chaque bruit de la nature.
C'était chaque larme de joie qui coulait.
Il était présent dans des rencontres incroyables. Des personnes que je ne reverrais probablement jamais mais qui resteront dans ma mémoire.
Il était présent dans chaque église dont j'ai poussé la porte et dans les chants des frères et des sœurs. Il était partout autour et avec moi.
Sur le Chemin, j'ai pris conscience que j'avais cherché Dieu dans le Ciel alors qu'il est ici bas. J'ai cru que c'était un être séparé de nous alors qu'il est en chacun de nous. C'est un des plus beaux enseignements du Chemin.
J'y ai aussi appris l'humilité. J'étais humble devant les montagnes, les forêts, les arbres, les collines, les vastes prairies. Je ne cherchais plus à être extraordinaire ni ailleurs ni séparée. J'étais présente là où j'étais et cela me suffisait.
Quand j'ai décidé de rentrer en Belgique, j'ai eu peur. Peur de perdre cette sensation. Peur de me sentir vide à nouveau. Peur d'oublier.
Effectivement, il m'arrive encore de faire des crises de Foi, d'essayer d'atteindre quelque chose d'inaccessible, une croyance idéale qui n'existe pas.
Oui, cela m'arrive de vouloir fuir. Et dans ces moments-là, je me barricade, me coupe du monde.
Et puis je me rappelle du Chemin.
Je me rappelle que Dieu est partout : dans la Nature, dans la flamme d'une bougie, dans une lecture inspirante, dans le sourire et les yeux de mes amis, dans un moment passé en famille, dans un câlin, dans l'attention et la présence que je peux offrir aux autres.
Alors je respire, j'observe mon corps contracté, mes croyances biaisées. Je regarde, je laisse partir. J'ouvre grand et je suis à nouveau prête à accueillir. Purgée de mes peurs et mes doutes, ma crise de Foi passe. J'apprends à faire confiance. J'ai la Foi.
Aujourd'hui, quand je prie, que je médite, ou fait une autre pratique, je ne le fais pas en essayant d'atteindre autre chose mais en étant avec ce qui est là. Mon intention n'est pas de monter tout là-haut et de m'éloigner du monde. Au contraire, mon intention est de m'ouvrir davantage à tout ce qui est là et d'être pleinement ici et maintenant prête à accueillir. Je ne pratique plus parce que je dois le faire mais parce que je choisis et j'ai envie de le faire.
Je sais que je ne suis pas à l'abri d'une nouvelle crise de Foi. Des doutes, des peurs, il y en aura encore.
Il m'arrivera encore d'avoir envie de partir en courant, de me couper du monde, de vouloir me sentir extraordinaire, exceptionnelle, d'avoir envie d'être ailleurs et d'être quelqu'un de mieux, de plus grand, capable d'accomplir de grandes choses pour le monde. Il m'arrivera encore d'avoir besoin de me sentir reconnue, légitime, aimée. Il m'arrivera encore de me demander ce que je fais ici, quel est le but de tout cela et pourquoi le monde va si mal. Il m'arrivera encore de me sentir nulle et impuissante.
Oui, cela arrivera encore car je suis humaine, profondément imparfaite et duelle et c'est ça qui me rend extraordinaire.
Aline Lourtie
En pleine crise de Foi
22/02/2024
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